L’élection présidentielle française qui s’est terminée le 7 mai dernier par la victoire d’Emmanuel Macron a suscité beaucoup effervescence en France mais aussi dans le reste du monde. A plusieurs titres, en effet, il s’agissait là d’une élection tout à fait singulière. Toute cette effervescence m’a inspirée une série d’articles. Le premier que je partage avec vous est une mise en valeur du mode de scrutin utilisé en France pour désigner le plus haut responsable de l’Etat.

Commençons par un aveu, j’ai toujours considéré le suffrage universel direct à deux tours comme ce qui se fait de mieux en termes de scrutin démocratique. Etant donné que c’est le système utilisé en France et que je suis moi-même Français il y a là probablement une forme de tropisme, de partialité inconsciente. Je vais néanmoins tenter de justifier ce sentiment.

Si je pense que le mode de scrutin présidentiel français est exemplaire c’est d’abord parce qu’il est universel. Tout citoyen a le droit de voter et tous ont la même valeur. Cette qualité en apparence basique n’en demeure pas moins un acquis récent. Rappelons qu’en France ce n’est qu’en 1944 que les femmes obtinrent définitivement le droit de vote et qu’elles n’ont obtenu ce droit qu’en 1975 en Angola, 1978 au nord du Nigéria, 1989 en Namibie… Rappelons aussi que les populations de l’empire colonial français dans lesquelles se concentraient les populations françaises non blanches n’ont été considérées comme des citoyens à part entière (un citoyen égal une voix) qu’a partir de 1956 avec la loi DEFFERRE – auparavant un système dit de -double collège -donnait au vote des citoyens coloniaux un poids inférieur à celui des citoyens de la métropole. Je vous incite vivement à consulter les archives de l’INA sur cette question et à lire attentivement l’interview de Gaston DEFFERRE que je reprends partiellement ici. Notons aussi qu’avant 1946 et la loi Lamine GUEYE, les populations de l’empire colonial étaient purement et simplement exclues du droit de vote …

Autre point notable, il s’agit d’un suffrage direct. Ce sont les citoyens eux même qui élisent leur président. Les citoyens, pas leurs représentants. Le vainqueur est donc nécessairement celui ou celle qui a reçu le plus de voix de la part des citoyens. Le suffrage direct garantit la souveraineté du peuple, l’intégrité de ses choix. Dans d’autres pays démocratiques il est possible qu’un candidat ayant reçu initialement moins de voix soit au final désigné vainqueur de l’élection présidentielle.

Le fait que le suffrage s’effectue non pas à un, mais à deux tours, me semble également bénéfique. D’abord par principe. Chaque opportunité donnée au peuple d’exprimer sa pensée constitue en soi une avancée démocratique : ceux qui n’ont pas voté pour l’un des deux candidats sélectionnés, peuvent, s’ils le souhaitent, exprimer une préférence. Ensuite parce que le second tour réduit la possibilité pour les autorités en place de tirer avantage d’une dispersion des votes au sein de l’opposition. Une dispersion que ces autorités peuvent elles-même entretenir notamment au travers de la corruption. Exemple : à l’approche des élections de 2011 la constitution de la RDC a été modifiée afin de supprimer le second tour permettant au président Joseph KABILA d’être élu en évitant un face à face difficile avec une opposition unifiée. Il ne s’agit pas d’un cas isolé, le Togo s’est retrouvé dans la même situation en 2002 et le Gabon en 2003.

Enfin la France est l’un des rares pays où le vote blanc est comptabilisé. Le vote blanc n’a aucune incidence sur le résultat de l’élection. Il n’est pas considéré comme suffrage exprimé, cependant il permet aux électeurs qui ne souhaitent pas soutenir de candidats de faire entendre leur voix. Si la comptabilisation du vote blanc est si importante c’est parce qu’elle permet à chacun de voter en son âme et conscience. Le vote blanc permet de voter sans soutenir qui que ce soit. Notons que lorsque le vote blanc n’est pas comptabilisé, il n’est pas possible de faire une distinction entre le vote blanc et l’abstention.

Certains voudraient faire évoluer les règles du jeu électoral pour, par exemple, rendre le vote obligatoire, permettre au vote blanc d’annuler – dans certaines conditions-une élection, ou veiller davantage à ce que chaque candidat soit représenté de façon plus équitable dans les médias. Il est possible que le système actuel soit encore perfectible, cependant ce que je souhaite souligner à travers cet article c’est la chance que nous avons ici, en France, d’avoir un système électoral profondément démocratique. J’insiste : profondément démocratique. Que le candidat que nous soutenions ait gagné, qu’il ait perdu, que nous n’ayons soutenu personne ou que nous nous désintéressions totalement de la politique, il est important que nous ayons conscience de ce privilège.

J’ai été le témoin de critiques particulièrement virulentes sur le résultat de l’élection présidentielle françaises. Sans contester la légitimité de ces critiques, ni même le droit de tout un chacun de les formuler, ces critiques nous interpellent sur notre attachement aux valeurs démocratiques. Est-il possible d’avoir de la considération et du respect pour un projet, une personne, qui a été légitimement élue et ce même si nous ne partageons pas les convictions et valeurs que représentent cette personne ?

Ici comme toujours vos avis sont les bienvenus du moment qu’ils s’effectuent dans le respect de chacun.