J’ai lu avec un plaisir immense  l’article « Networking Afro et après ? » sur le site sur Afrokanlife.com. Un grand merci donc à Afrokanlife d’exister et à Noir immobile pour ce texte à la fois pensé, précis et percutant. Voici quelques réflexions qui m’ont traversées l’esprit suite à cette lecture.

Tout d’abord je voudrai souligner que le réseautage afro n’a rien de nouveau, nous n’en sommes pas les créateurs mais les héritiers. Les générations qui nous ont précédées ont tentées elles aussi de rassembler les hommes et les femmes Noirs de leur époque afin de faire en sorte qu’ils bénéficient de plus de respect, de plus droits, de plus d’opportunité sur le plan politique, économique, social, et culturel. Ce qui est spécifique à notre époque c’est la dimension technologique, c’est la démocratisation d’internet et l’essor d’outils de création et de diffusion de contenus tels que Facebook, Twitter ou WordPress. Même si certains obstacles continuent d’exister notamment sur le plan linguistique, il est désormais beaucoup plus facile pour nous de partager nos idées et d’agir ensemble. Notons au passage que beaucoup de nos frères et sœurs d’Afrique et d’ailleurs sont purement et simplement exclus de ce réseau parce qu’ils n’ont accès ni à l’électricité, ni  à internet,ni  à l’éducation.

Prendre de la distance avec certaines références esthétiques et culturelles occidentales qui nous ont été inculquées et dans lesquelles nous baignons. Comprendre en quoi ces références nuisent à notre développement et à notre épanouissement personnel. S’attacher à de nouvelles références en accord avec notre nature et notre histoire. Concevoir qu’il est important de s’unir, de transcender nos différences ethniques, nationales, religieuses, sociales, linguistiques pour s’organiser en groupe de pression capable d’imposer l’intérêt des populations Noires. Prendre conscience que nous avons un intérêt commun à défendre. Tout ceci demande du temps. Beaucoup. Temps de réflexion. Temps de remise en question. Temps de méditation.  Le temps nécessaire, au final, pour devenir quelqu’un d’autre.

 

En France et notamment à Paris, la communauté afro est dans un état de développement que je qualifierai de fœtal ; même si nous avons évolué sur certains points -nous n’en sommes plus au stade embryonnaire- le chemin à parcourir reste immense. Nous n’avons pas encore accouché d’une organisation capable d’influer réellement sur le cours des choses que ce soit sur le plan économique, politique, social ou culturel. Oui, les partisans du cheveu crépu n’ont probablement jamais été aussi nombreux, mais cela ne doit pas cacher qu’il s’agit d’un mouvement extrêmement minoritaire. Oui, les critiques à l’égard des produits éclaircissants se font chaque jour plus fortes mais le tiroir de nos proches et les étagères des boutiques afro restent remplies de ces produits qui insultent notre beauté et mettent en péril notre santé. Oui le wax et autres tissus africains ont le vent en poupe, mais le marché du textile d’inspiration afro reste une micro niche. Oui, nous avons vu apparaître avec intérêt – et pour ma part avec joie -des organisations telles que le Conseil Représentatif des Associations Noires, le Club Efficience et autres think tank afro, mais les résultats de leur actions, bien que réels, restent maigres au regard des enjeux que nous avons à affronter.

Afro-pessimiste ? Moi ? Bien au contraire ! Toutes ces actions vont évidemment dans le bon sens je les soutiens, participe et m’engage moi aussi dans cette lutte pour faire évoluer les mentalités. Ceci avec la ferme conviction qu’un jour une communauté Afro responsable et puissante émergera.

Mais ne nous faisons pas trop d’illusion, il nous faudra plusieurs décennies pour créer une véritable communauté afro en France, beaucoup plus  encore pour atténuer les clivages qui entravent l’émergence du développement et de l’union des peuples d’Afrique. Bien entendu pour des raisons à la fois culturelles et historiques il y a des grandes différences d’un pays à un autre, au Canada, par exemple, la communauté afro semble être à un stade plus avancée qu’en France, j’en veux pour exemple une initiative telle qu’afro-entrepreneurs.com qui consiste à soutenir l’entrepreneuriat des Noirs au Québec.

 

Afro networking et après ? Après  on verra. Nous avons tellement de choses à faire aujourd’hui. Des fois les énergies se concentrent sur certains aspects (la mode, la culture, la beauté) des fois sur d’autres (la politique, l’économie, la finance) mais toutes nos actions vont dans le même sens. Ce que nous essayons de construire c’est un mouvement de fonds, un mouvement lent et solide qui va au-delà des modes et dont, je l’espère, nos descendants pourront un jour récolter les fruits.