Exhorter les Noirs à faire fi de leurs différences et à s’organiser pour défendre leurs intérêts communs constitue la raison d’être d’afro-conscient.com. Plus je soutiens cette idée et plus je me rends compte qu’elle a tendance à provoquer scepticisme et rejet au sein de nos communautés.

Explications.


Dans les pays dans lesquels nous sommes minoritaires, les structures auxquelles nous appartenons n’ont pas pour mission de traiter les problématiques qui nous sont propres, ce qui laisse libre cours à toute sorte d’incompréhension et de discriminations. Pour s’en convaincre il suffit d’observer ce qui se passe au Maroc, en France, aux Etats-Unis, en Tunisie… Les exemples ne manquent pas. Ce qui m’attriste, c’est moins l’existence de ces actes racistes – La bêtise est universelle – que l’impunité dont jouissent régulièrement leurs auteurs. L’exemple de M. Roberto CALDELORI, vice-président du Sénat italien est tout à fait révélateur en la matière. Après avoir insulté le ministre de l’intégration Madame Cécile Kyenge d’orang-outan il s’en tire avec de simples condamnations verbales de ces homologues politiques…Cette insulte ne s’adressait pas simplement au Congo dont est originaire Madame Kyenge, elle s’adressait à tous les Noirs. A l’heure où via internet chaque parole est transportée instantanément à l’autre bout du monde, Roberto CALDERORI peut se lever, prendre un micro et dire que les Noirs ressemblent plus à des animaux qu’à des êtres humains sans être inquiété… Le malaise est palpable au sein de nos communautés. Que faisons-nous ? Rien. Indignés certes mais intimement persuadés que nous sommes impuissants face à ce genre de situation.

Pourquoi créer une communauté afro ?

Pour permettre à chacun de nous de participer à la mise en place d’actions collectives visant à sanctionner les auteurs d’actes racistes où qu’ils soient et qui qu’ils soient: sanctions judiciaires, financières, économiques ou sanctions politiques.

Dans ce domaine comme ailleurs la solution la plus efficace consiste encore à s’attaquer à l’origine du mal plutôt qu’à ses symptômes. Le racisme un symptôme ? C’est effectivement ma théorie, un symptôme qui traduit notre exclusion du pouvoir. Exclusion du pouvoir politique, financier, économique ainsi que notre domination culturelle. C’est notre incapacité à imposer nos règles et nos références qui permet aux autres de nous dénigrer et de cristalliser leur mépris sur nos caractères physiques. Avoir les cheveux plus ou moins crépus, la peau plus ou moins foncée, le nez plus ou moins fin, les lèvres plus ou moins charnues ne constituent nullement les origines du racisme que nous subissons. A mon sens, les stratégies qui visent à lutter contre le racisme sans s’attaquer à cette dimension politique ne peuvent qu’avoir qu’un impact limité. Elles confondent les causes et les conséquences du mal.

Pourquoi créer une communauté afro ?
Pour promouvoir nos propres références culturelles et esthétiques, nos propres réseaux financiers et économiques, nos propres savoir-faire, nos propres réflexions. Pour construire là où nous sommes majoritaires nos propres modèles politiques et sociaux, les amener à un niveau de perfection tel qu’ils rejaillissent sur chacun de nous individuellement et finissent par faire évoluer le regard que les autres portent sur nous.
Pour lutter contre l’ignorance d’où qu’elle vienne et l’égocentrisme occidental. L’humanité toute entière est riche en culture, en beauté, en intelligence, en sagesse, en savoirs. Contrairement à ce que beaucoup tentent de nous faire croire, il n’existe pas de groupe qui ait joué ou qui joue un rôle plus important que d’autre dans l’histoire de l’humanité. Nos destins sont liés. Notre dignité commune.

Ceux qui rejettent cette idée de communauté afro voient en elle une organisation raciste, qui prône le repli sur soi. Une idée qui singerait l’exemple américain sans tenir compte des spécificités françaises.

Interrogations légitimes, peurs totalement infondées.

Le terme racisme est souvent utilisé à tort et à travers. A mon sens, ce n’est pas la classification d’êtres humains en fonction de leurs caractères physiques qui fonde le racisme, c’est leur hiérarchisation. C’est croire qu’une catégorie d’êtres humains est meilleure qu’une autre et s’appuyer sur cette croyance pour justifier des actes discriminatoires. C’est nier le principe selon lequel tous les Hommes sont égaux.

Dans mon appel à l’union des populations noires, l’idée d’une supériorité des peuples afro sur les autres peuples est inexistante. Du racisme, ici, il n’y en a point.

Promouvoir le repli sur soi ? Cet argument ne tient pas la route. Mettre en place une communauté afro nécessite de transcender une multitude de différences. Différences linguistiques, culturelles, ethniques, religieuses, sociales, nationales. Se penser comme Noir, c’est au contraire s’ouvrir à l’autre. C’est voir en l’autre non pas un Antillais, un Ivoirien, un Sénégalais, un Zambien, un Musulman, un Catholique, un Evangélique, un Yoruba, un Peul, un Bambara mais un homme ou une femme Noire comme moi. Plus encore se penser comme Noir constitue une étape importante vers une vision unitaire de l’humanité. Comment en effet voir en tout être humain un frère ou une sœur lorsque l’on est incapable d’avoir cette vision fraternelle au sein même de nos communautés ?

Certes la constitution d’une communauté afro repose sur un processus d’exclusion. Elle s’adresse aux Noirs et aux Noirs seul. Cette démarche doit être totalement assumée car elle existe dans toutes les organisations communautaires, qu’elles soient confessionnelles, professionnelles ou autres.

Ce qui garantit l’intégrité morale de cette organisation c’est qu’elle ne se fonde ni sur l’opposition ni sur l’exclusivité. Il s’agit d’une organisation pour les Noirs mais pas d’une organisation contre les Blancs ou contre toute autre communauté. Chaque membre de l’organisation est tout à fait libre de nouer des relations avec qui il veut, de devenir membre d’autres organisations et par là même de continuer à s’ouvrir aux autres notamment à ceux qui ne sont pas admis au sein de l’organisation.

Mener des actions collectives sur des bases raciales n’est pas habituel en France. C’est une démarche plus fréquente dans les pays anglo-saxons. Eviter de froisser les mentalités françaises est bien la dernière de mes préoccupations. Copier ce qui ce passe aux Etats-Unis aussi. Ce qui compte, c’est d’accéder au respect et à la dignité qui nous est dû ou plutôt que nous nous devons à nous même.

Si notre situation s’est sensiblement améliorée au cours des dernières décennies, il suffit d’observer ce qui se passe autour de nous pour constater que le compte n’y est pas. A qui la faute ? Encore et toujours à nous. Au lieu de nous unir et de travailler pour faire avancer notre communauté, nous en sommes encore au stade où il est nécessaire d’écrire des articles comme celui-ci pour faire comprendre aux nôtres que si nous voulons changer la donne, il est grand temps de penser et d’agir autrement.